Lundi matin, 8h45. Je sors de la crèche. L’hiver est là. 4 degrés. Début de semaine dans la grisaille et le froid. Je suis sur mon vélo quand j aperçois sur le trottoir une classe. De collégiens. Ou de grands écoliers. Discutant avec entrain. Une classe d’écoliers ou de collégiens quoi. Menés par leur prof de sport. Probablement en direction du stade. Au moment où je les croise, la prof leur demande de s’arrêter. A l’instant ou je passe à côté d’elle, je suis en train de marcher en poussant mon vélo, et je l’entends dire : « Dans tout ce brouhaha, il n y a qu’une seule voix que j entends, c’est celle de CLARA ».
Lundi matin à 8h45 sur le chemin du stade, devant toute la classe, la prof de sport a humilié Clara parce qu’elle parlait un peu trop fort.
La situation m’a glacé. J’ai pensé à m’arrêter pour demander à la prof de sport, devant toute la classe, si elle avait appris à humilier ses élèves pendant ses études de prof. Puis j’ai pensé que je ne devais pas l’humilier comme elle venait de le faire à Clara. Cela aurait été trop injuste et n’aurait sûrement pas réglé son problème.
Alors je me suis tu. Et j’ai continué mon chemin en pensant à Clara.
Je me suis demandé ce qu’elle avait pu pensé. Peut-être est elle une habituée des humiliations par cette prof ou par ses profs en général. Peut-être a-t-elle eu honte devant ses amis et des inconnus comme moi. Peut-être était-ce la première fois qu’elle se faisait ainsi réprimander.
A la place de Clara, demain, ce sera votre fille ou mon fils. Qui aura parlé un peu fort un lundi matin parce qu’il est enthousiaste. Parce qu’il est heureux de retrouver ses amis et qu’il a plein de choses à leur raconter après le week end. L’enthousiasme d’un grand enfant ou d’un jeu ado. Tout ce qu’il y a de plus normal. Et demain, c’est elle ou lui qui subira la brimade d’une prof un lundi matin en partant au stade.
J’ai continué mon chemin en pensant à la prof aussi.
Mais qu’est ce qui peut se passer dans sa tête pour en arriver à humilier une élève de 11 ans ? Le besoin d’asseoir son autorité peut-être ? Pour obtenir la discipline, c’est commode d’user de l’humiliation et de la terreur. Qui oblige cette prof à continuer ce métier ? Ne peut-elle pas quitter son job si elle ne supporte pas les enfants ?
Etre prof, c’est un engagement. Ce n’est pas un job comme les autres. On doit le choisir parce qu’on aime les élèves. Et qu’on a envie de les voir s’envoler le plus loin possible. Parce qu’on veut les accompagner à devenir des adultes épanouis. Parce qu’on est prêt à leur donner toute notre bienveillance pour les aider à se révéler. Pour cela, il faut être capable de les considérer chacun avec leurs qualités et leurs défauts. Savoir les valoriser, pour les faire avancer tous ensemble dans le respect de leur différences.
Savoir les encourager pour ce qu’ils sont, pas les décourager pour ce qu’ils ne sont pas.